mardi 15 septembre 2015

L’innovation : un levier de la stratégie de développement

L’innovation est-elle une stratégie ou bien est-elle l’instrument de la stratégie de développement de l’entreprise?

Nous comprenons ici l’innovation au sens large. Elle peut aussi bien être une innovation de rupture avec la création de nouveaux produits ou services qu’une évolution des process, un changement d’organisation, l’ouverture de nouveaux marchés, une évolution du business modèle, une diversification…

Innover ne fait pas partie des actions habituelles des entreprises car elle est souvent considérée comme difficile, incertaine et risquée.
Difficile car elle rompt avec les habitudes et nécessite de mobiliser des ressources, humaines et financières sur des sujets différents des priorités habituelles. Et ce qui est investit d’un coté ne le sera pas de l’autre.
Incertaine car on ne connaît pas d’avance le résultat (c’est la loi de l’entrepreneuriat) et celui-ci peut être différend de l’objectif fixé à l’origine.
Risquée car il est possible de perdre.

En matière d’innovation, les PME agissent très souvent en réaction à leurs concurrents pour contrer leurs projets ou bien quand leur chiffre d’affaires et leur marge baissent.
L’innovation est alors vue comme une planche de salut. La plupart du temps les PME se mettent à innover quand elles n’ont plus le choix.

Et pourtant innover est indispensable. Indispensable à la survie et la santé économique de l’entreprise car elle donnera un avantage sur la concurrence et permettra de répondre aux besoins des clients. 

Alors, comment innover ?
Notre réponse est la suivante : c’est la stratégie de l’entreprise qui doit guider les projets d’innovation.
L’innovation est un moyen, un levier de réaliser la stratégie de développement.

Sans stratégie l’entreprise connaitra tôt ou tard des difficultés.
Pour mémoire,  « la stratégie, face à la concurrence, est une combinaison des objectifs que s’efforce d’atteindre la firme et des moyens par lesquels elle cherche à les atteindre. » (Michael Porter)

Avant toute chose, il convient donc d’établir une stratégie de développement qui bien sûr pourra évoluer dans le temps.
La stratégie provoque, motive l’innovation. L’innovation n’est pas un but en soi mais un moyen de prendre une position sur un marché, de gagner des parts de marché, de se différentier, de se dégager de la concurrence, d’optimiser les ressources de l’entreprise…

Du point de vue du chef d’entreprise une innovation est un moyen stratégique pour faire évoluer son entreprise et profiter des futures opportunités, voire minimiser les menaces qui vont apparaître.

L’objet ici n’est pas de revenir sur les différentes manières de créer et mettre en place une stratégie mais bien de faire le lien indispensable entre celle-ci et l’innovation.

Le risque de vouloir innover sans stratégie est de partir dans une mauvaise direction ou de manquer d’ambition.
Avec le risque de perdre du temps, de l’argent et d’aboutir à un résultat qui n’aura aucun succès avec les clients, actuels et futurs et qui le cas échéant pourra aussi se solder par une démobilisation de l’équipe.
Souvent nous voyons des projets qualifiés « innovants » par le chef d’entreprise et qui ne sont que des projets qui viennent se coller aux dossiers existants sans volonté de renforcer l’activité sur le long terme et sans vision stratégique.
Cela se traduit parfois par une absence d’organisation, de planification et de mise en œuvre de moyens.

Manager l’innovation pour un chef d’entreprise c’est, coordonner et mobiliser différentes compétences de son entreprise sur des sujets nouveaux, et très souvent les faire travailler avec des ressources extérieures, comme les clients, les fournisseurs, des universitaires, ou des entreprises partenaires.
L’innovation doit créer de la valeur pour les clients mais aussi bien sûr pour l’entreprise.

Pour tout projet d’innovation il est fondamental de partir des clients actuels et futurs de l’entreprise puis faire l’analyse des forces et  faiblesses de la société.

Quelles innovations pour mon entreprise ?
Voici donc des questions à se poser avant de commencer :
1/ La stratégie de l’entreprise est-elle bien définie. Est-elle partagée par l’ensemble du personnel ?
Quelles sont les compétences présentes dans l’équipe ?
Le positionnement de mon entreprise est-il clair : low-cost ; luxe…
Quel est le marché ou le secteur sur lequel l’entreprise intervient ?

2/ Connaît-on bien les clients ? Ce qu’ils aiment chez nous, pourquoi ils commandent et restent fidèles. A l’inverse connaît-on les raisons qui font qu’un client nous quitte.
Quels sont leurs besoins insatisfaits, leurs attentes ?
Peut-on imaginer les futurs besoins ?

3/ Quel est l’évolution probable du marché ?
Le métier risque-t-il d’évoluer ? Dans quel sens ?
Les concurrents ont-ils déjà évolués ? Comment ?
Quels sont les nouveaux entrants ?
Faut-il ouvrir de nouveaux marchés ? Faire de la diversification ?

De façon générale, l’entreprise doit toujours être à l’écoute de son marché.
Elle doit si possible enregistrer les signaux faibles et tenter de savoir ce qui va se passer.
Il est fondamental d’avoir accès aux informations du marché via des clubs d’affaires, des participations à des salons, des voyages d’étude, des syndicats professionnels ou les chambre de commerce.

Pour conclure, l’innovation est indispensable pour développer sa stratégie et il est indispensable de connaître sa stratégie.

Source : « Management de l’innovation » de Sandrine Fernez-Walch et François Romon éd. Vuibert.


jeudi 16 avril 2015

8 principes éprouvés pour piloter l’innovation

Un article très intéressant sur la gestion de l'innovation. A lire et à retenir!

Rémi Maniak / Maître de conférences à Télécom Paristech et chercheur à l'Ecole polytechnique / January 29th, 2015

La capacité à innover s'est affirmée comme un des principaux piliers de la performance de
1. Accélérer les cadences de développement
2. Ne pas pousser à fond la machine à développer
3. Lancer des projets fous, échouer rapidement, rebondir
4. Construire sa différenciation sur le moyen terme
5. Orienter judicieusement l’effort d’exploration
6. Encourager et valoriser les opportunités imprévues
7. Articuler le développement et l’innovation
8. Apprendre à chasser en meute
On the topic

l'entreprise du XXIe siècle. Accélération des vagues technologiques, saturation et
internationalisation des marchés, versatilité des consommateurs, bouleversements des
architectures d'échange, crises à répétition, la compétition par l’innovation ainsi ouverte ne
laisse pas le choix: pour ne pas périr, il faut lancer de nouveaux produits et services, plus
innovants, et plus souvent. Impossible alors de laisser l'activité d'innovation au hasard. Oui,
il est possible de rationaliser l'effort d’innovation, en passant de la gestion d'un état
d'équilibre au pilotage raisonné d'un déséquilibre permanent. Non, ce n'est pas aisé. Cela
demande de réviser assez largement nos réflexes et nos outils installés, sans se laisser griser
par les effets de mode. Bonne nouvelle: la recherche en sciences de gestion a identifié les
principes de ce pilotage de l'innovation. En voici huit.

Les entreprises innovantes ont inscrit dans leur ADN le fait de lancer en permanence des
nouveaux produits, sans attendre ni l’idée géniale, ni d’être en difficulté. Il est désormais
courant de voir dans les indicateurs de performance des entreprises « la part de chiffre
d’affaires générés par des produits de moins de trois ans ». La nouveauté est un objectif en soi,
qui innerve l’ensemble des organisations modernes.
Des entreprises comme Gillette, Google, 3M, Decathlon ou Valeo le savent bien : les vaches à
lait qu’il fallait préserver coûte que coûte ne durent plus. Si on n’a pas déjà préparé le prochain
coup, les positions acquises sont immédiatement imitées par des techniques de retroengineering,
dépassées par une technologie que personne n’a vu venir, oubliées par le
consommateur qui a sauté sur le prochain changement…
Lancer des nouveaux produits et services, constamment, voilà le poumon de l’entreprise du
XXIe siècle. Cela ne donne pas forcément des produits révolutionnaires, mais c’est le nerf de la
guerre pour entretenir l’appétence client. L’iphone 5S ne diffère guère de l’iphone 5, mais il
marche. La Clio 4 est une évolution assez incrémentale de la Clio 3, mais elle marche.
L’ensemble des industries se sont ainsi lancées dans une course en avant vers des cadences de
développement toujours plus élevées. De Google à Renault, de Microsoft à Airbus, de Tefal à
Michelin, d’AirBnB… tous lancent des évolutions. Les temps et coûts de développement ont
fondu, la qualité des nouveaux produits s’est considérablement accrue.
Pour cela, il faut une organisation et des processus adaptés. Nouveaux rôles (chef de projet et
directeur de projet avec un poids hiérarchique prépondérant), nouveaux principes de pilotage
(ingénierie concourante), nouveaux outils de simulation collaboratifs (CAO), nouveaux modes
de contractualisations internes entre les projets et les fonctions, tout est bon pour amener les
acteurs des différents métiers concernés par la conception d’un nouveau produit à mieux
articuler leur expertise, à anticiper les problèmes, à minimiser l’investissement humain, à
réduire le coût d’un projet et son « time to market ».
Ces principes sont aujourd’hui bien diffusés dans les entreprises, institués dans des ouvrages,
des organisations professionnelles, des bonnes pratiques et des certifications. Pari gagné, en
apparence. Mais la focalisation sur le développement a des effets pervers.

Un problème central commence à apparaître dès lors que les cadences de développement
s’emballent et que les structures s’internationalisent : l’érosion des actifs de l’entreprise. En
termes de compétences, même pour concevoir toujours la même chose, il faut a minima
maintenir les équipes à jour sur leur champ d’expertise, et assurer leur plein investissement
(voire leur passion !) dans leur travail. Difficile à réaliser quand les projets se suivent, se
ressemblent, et occupent tout l’agenda.
La gestion des dynamiques de compétences de conception est alors un enjeu majeur pour
alimenter la frénésie de nouveaux produits. Cela met le focus sur l’attractivité de l’entreprise, le
turnover étant l’ennemi juré de la compétence collective de conception ; mais aussi sur la
gestion prévisionnelle des emplois et compétences, vieux concept RH qui prend toute sa
consistance dès lors qu’on gère des ressources de développement hyper-mobilisées.
Cette focalisation sur le développement peut également paralyser l’innovation radicale.
Appliquer à la lettre les « bonnes pratiques » de gestion de projet conduit à multiplier les
revues de projets, empiler les procédures (standards de validation, cahier des charges préformatés,
pilotage par les tâches), transformant au fil des années la machine à innover en une
machine à « faire toujours plus de la même chose » pour reprendre l’expression de Paul
Watzlawick. On assiste aujourd’hui à une forme de bureaucratisation du projet de
développement, aux antipodes de la visée initiale de gestion de l’innovation.
De plus, la multiplication des projets conduisant souvent à une forte diversité des produits et
des activités, coûteuse et difficile à gérer, la rationalisation par « plateformes » s’est largement
répandue dans tous les secteurs. Avions, voitures, imprimantes, téléphones, logiciels, tous
tentent de réduire l’investissement marginal lié à un projet en créant une base commune à
plusieurs produits, qui maximisent le nombre de composants / sous-systèmes entre eux. Là
encore, cela pénalise les possibilités d’innovation, car les plateformes figent l’architecture et de
nombreux composants pour plusieurs générations de produits. Et toute tentative d’innover
hors plateforme est souvent (auto-)censurée.
Il ne faut donc pas attendre du développement rationalisé qu’il invente le futur. Retrouver des
espaces de liberté est alors une condition de survie sur des marchés qui ne tiennent pas en
place.

La dernière décennie nous a montré l’importance, sur des innovations radicales, de se lancer et
de faire les projets « en vrai ». L’action est souvent la manière la plus efficace d’apprendre sur
un domaine stratégique, de mobiliser les acteurs clés et les inciter à investir, de faire réagir le
client sur la base d’une proposition réelle et non sur un questionnement abstrait, faire rêver la
hiérarchie ou les investisseurs, et constituer des compétences qui permettent de faire la
différence.
Cette logique met l’emphase sur des « projets pilotes » qui vont défricher un concept, et rendre
visible les manières de le rentabiliser.
L’iPod 1 a été lancé en 2001 comme un projet un peu baroque – développé en 6 mois, avec des
moyens très limités – et n’a pas été immédiatement un succès. C’est en exploitant rapidement
les frémissements du marché suite au premier lancement que les piliers de valeur sont
apparus : association à une boutique de musique en ligne (iTunes n’a été lancé qu’un an après
l’iPod), perfectionnement de l’interface tactile qui deviendra le principal pilier de la stratégie
produit Apple…
La Prius 1 a été un flop commercial historique (1 milliard de dollars de pertes), mais a ouvert la
voie à ce qui allait devenir un segment « hybride » que Toyota a su faire grossir et s’approprier,
jusqu’à en faire l’égérie ultra-rentable de sa marque sur toute la planète.
Il est donc urgent de réviser notre manière de penser la prise de risque. Ne pas se lancer peut
se révéler plus risqué que de se lancer et de rebondir rapidement !
Le champ de l’entrepreneuriat a connu la même mutation. Historiquement, l’entrepreneuriat
repose sur un paradigme balistique, faisant de la robustesse de l’idée et du business model
initial la condition du financement de l’opération, et la réalisation effective de cette idée et de
ce business model une condition du maintien du financement. On en est largement revenu. Le
concept d’effectuation, ultra-dominant aujourd’hui dans les bonnes pratiques
d’entrepreneuriat, pointe précisément la nécessité de ces réactions en boucle courte par
rapport à la visée initiale. Par opposition au modèle causal qui fixe un objectif et organise les
moyens pour l’atteindre, le modèle effectual assume que la première tentative de
l’entrepreneur n’est certainement pas la « killing app », mais qu’elle a le mérite d’enclencher
une dynamique positive d’implication de nouveaux alliés, de sonde de certains segments par
rapport à un concept d’offre… le tout devant donner lieu à une réinterprétation rapide de la
visée initiale sur la base de ces nouveaux éléments. Ce n’est pas un hasard si une des maximes
préférées de la Silicon Valley est « fail fast, learn hard ». Même s’il n’est pas interdit de réussir
au premier coup.

Cette combinaison entre volontarisme et pragmatisme ne sert pas simplement à tester et
réorienter la stratégie produit. Elle sert aussi à acquérir des compétences, et plus globalement
des actifs qui vont permettre de faire la différence.
En termes de technologie d’abord. Comment expliquer qu’Apple dispose (encore aujourd’hui)
de la technologie tactile capacitive la plus ergonomique, si on ne considère pas la lignée de
produits antérieurs qui ont chacun contribué à construire une expertise technologique robuste,
liée à l’expérience utilisateur ? Que Toyota dispose encore et toujours de la meilleure
motorisation hybride ? Qu’aucun concurrent crédible à Dacia-Renault n’ait émergé sur le
concept de « vraie voiture à très bas prix » alors que la première Logan est sortie il y a plus de
dix ans ?
En termes d’image de marque et de réputation sur un marché donné, ensuite. La société
Withings, pionnières des objets connectés, lançait dès 2009 son premier produit, un étrange
pèse-personne connecté. Succès médiatique, sur lequel ils ont largement construit leur succès
ultérieur avec toute une gamme d’objets connectés. Autre exemple, Interbrand a calculé que la
Prius était le principal facteur qui avait contribué à l’amélioration de 50% de l’image de
marque de Toyota entre 2000 et 2005. C’est décisif quand on connait le lien étroit entre le prix
de vente acceptable d’un produit et l’image de la marque qui le commercialise.
Gardons une chose en tête : chaque entreprise a les produits de ses actifs et les actifs de ses
produits. Dès lors chaque lancement réellement innovant dynamise les actifs, et ouvre de
nouvelles opportunités d’offres. Sur un plan théorique, cela fait violence à nos vieux schémas
stratégiques. Les théories de Michael Porter, sur-enseignées et sur-utilisées, nous avaient
plutôt habitués à nous isoler de la nouveauté et de la concurrence en bétonnant des barrières
autour de business stabilisés. Une guerre de position plutôt qu’une guerre de mouvement.
Investir pour cannibaliser ses actifs et ses produits sont des décisions impensables dans le
paradigme portérien. C’est pourtant vital dans la nouvelle donne concurrentielle.
Naturellement, il ne s’agit pas de se lancer tous azimuts. L’activité d’innovation est coûteuse, et
demande de mettre en place une certaine hygiène pour optimiser son rapport coût-valeur.

Soyons réalistes, chaque projet d’exploration a peu de chances d’aboutir directement à un
produit commercialisable. Du coup, la productivité de l’exploration est extrêmement faible,
sauf si on rationalise l’orientation des projets et le caractère cumulatif des connaissances
générées par chaque projet.
Un premier enjeu est de cadrer précisément les initiatives innovantes. Chaque projet lancé par
Google, même le plus baroque, renvoie à la formulation stratégique corporate de « collecter et
organiser l’information mondiale, et la rendre disponible auprès du plus grand nombre ». En
cas de succès, chaque se réarticulera naturellement avec le reste de l’organisation. Ce cadrage
peut également se révéler au niveau de son concept génératif. Donner comme cahier des
charges aux chercheurs « objets connectés » ou « big data » ne veut pas dire grand-chose… et
limite la cumulativité inter-projets. A contrario des formulations comme « des services qui
rendent les repas plus conviviaux », ou « des produits qui aident les personnes dépendantes
dans leur quotidien » sont suffisamment spécifiques pour permettre d’avancer rapidement vers
des solutions originales, et de monter en expertise sur ces concepts.
Autre réflexe à acquérir, lutter contre la tendance à faire toujours mieux. Les entreprises ont
tendance à vouloir satisfaire leurs clients les plus exigeants, et sont donc lancées dans une
escalade au perfectionnement des produits, et dans une reproduction de l’usage dominant de
leurs produits. Un biais majeur dans une quête à l’innovation. Deux concepts ont permis de le
dépasser.
Le premier concept éclairant est celui d’innovation disruptive. Largement popularisé dans les
années 2000, il pointe le fait qu’il est possible, et même souvent pertinent, d’innover « par le
bas », refusant l’escalade technologique pour trouver des clients moins exigeants, acceptant de
payer moins cher pour une performance « dégradée ». La Dacia Logan est un parfait exemple
de ce type d’orientation, réussissant à catalyser la performance du Groupe Renault à partir
d’une ligne de produits largement basée sur ce principe.
Le second concept, éclairant et voisin, est celui d’Océan Bleu. Les concurrents convergent sur
des produits semblables en tout point, tous cherchant à optimiser les mêmes attributs
(autonomie, prix, poids, puissance…). Cela donne un Océan Rouge : les requins nagent dans le
même marché et se dévorent entre eux. L’exploration d’Océan Bleu vise à se décaler du produit
pour nager seul, en sacrifiant certains attributs et en mettant l’accent sur d’autres, inédits.
À titre d’exemple, rappelons qu’au moment où l’iPhone sort, le critère d’achat dominant d’un
téléphone était son autonomie (la norme étant d’une semaine à l’époque). L’iPhone arrive avec
moins d’une journée d’autonomie, mettant l’accent sur des attributs différents (ergonomie,
évolutivité via des applications). La suite, vous la connaissez…
On ne gère pas un projet Google Car comme on gère un projet de développement d’un nouveau
système d’exploitation. L’application des principes de gestion de projet institués conduit à
vouloir définir l’objet, les finalités et les moyens du projet le plus tôt possible, afin de
maximiser la performance qualité-coût-délai. Facile et pertinent sur des objets et des usages
connus, suicidaire sur un projet fou. Il s’agit plutôt de permettre à l’équipe d’explorer
rapidement des scénarios variés, de construire des compétences nouvelles, de tester des
partenariats originaux… À l’heure où le terme de sérendipidité est à la mode, il est urgent de
l’appliquer réellement aux processus de gestion de projet d’innovation, en encourageant et
valorisant des opportunités imprévues, en tirant parti des découvertes faites chemin-faisant,
en modifiant les hypothèses de ciblage du produit, ses fonctionnalités, voire la stratégie qui
sous-tend l’opération.
Au-delà de l’exploration initiale, la valeur générée par un projet d’innovation se révélant à
l’échelle de plusieurs projets connexes, on assiste alors à la diffusion de nouvelles formes de
gestion multi-projets. Par opposition à une logique sélectionniste / malthusienne de gestion de
portefeuille de projets (bien connue dans la pharmacie par exemple), le pilotage de
programme d’innovation permet de piloter plusieurs projets du même domaine en conformité
avec les dynamiques vues plus haut : organisation des complémentarités entre projets au fil de
l’eau, accent mis sur le volontarisme et la réactivité par rapport aux hypothèses de lancement,
nouveaux outils de contrôle d’investissement « full value » (visant à réintégrer les « valeurs
indirectes » générées par un projet, comme l’impact compétences…).
On ne fait pas de projets fous pour le plaisir, mais pour qu’ils challengent, nourrissent et
complètent les produits « classiques ». La performance de l’organisation innovante repose
alors sur sa capacité à relier l’effort d’innovation radicale avec son coeur d’activité. On parle
alors d’organisations ambidextres, capables de manier le court et le long terme.
L’ambidextrie structurelle est la forme la plus évidente. On définit une business unit autonome
et on la lance sur un programme pilote convenablement cadré. La clé est de lui donner les
moyens de réaliser complètement sa mission : accès aux ressources et compétences corporate,
autonomie par rapport aux procédures instituées, droit d’échouer au premier lancement.
Quand le programme commence à montrer des signes encourageants, il faut alors statuer : que
faire de ce succès en puissance ? Une spin-off ? Une nouvelle priorité corporate ?
La logique de Google dite « Earn, Entice, Expand, Experiment » est symptomatique de cette
démarche. D’un côté, des projets de développement centrés sur le coeur d’activité, de l’autre
des projets pilotes (des lunettes à la Google Car). Bien orientés dès le départ, les projets à
succès sont reliés au coeur d’activité : par exemple en constituant une nouvelle source de
données d’entrées pour Adwords, ou une nouvelle « business line » de développement.
Dans un secteur plus industriel, l’exemple de la Logan est symptomatique d’une organisation
ambidextre. Pensé dès le départ comme un projet pilote construit sur un concept à la fois fou
(une vraie voiture à 5000€) et modeste (pour quelques pays d’Europe de l’Est), l’entreprise
tout entière s’est saisie des premiers succès, l’offre Dacia (et avec elles les compétences de
développement frugal) étant réarticulée au Groupe et à la marque Renault dans une
perspective de conquête internationale.
La notion d’open innovation a le vent en poupe : il est devenu de plus en plus difficile
d’innover seul dans son coin. Pratiquement, la question est de gérer des processus de coinnovation,
avec une poignée de partenaires s’aventurant sur un domaine d’innovation.
L’alchimie doit être trouvée sur des modalités de coordination et d’incitation permettant de
mener ensemble un projet d’exploration tout en investissant suffisamment pour innover « en
vrai ».
Là encore, de nouveaux principes de gestion se sont affirmés : clauses permettant aux
partenaires d’être favorisés dans l’appel d’offres suivant la phase d’étude, faisant grossir le
gâteau à se partager, nouvelles modalités de partage de propriété intellectuelle permettant aux
partenaires d’exploiter rapidement les résultats avec d’autres, business plan d’écosystème
organisant le partage des investissements et des marges, etc.
« Chasser en meute » permet également d’accorder ses violons pour construire des
innovations systémiques, qui vont embarquer les consommateurs dans un univers cohérent.
Intel a été pionnier de cette démarche. À partir d’une position a priori anodine de fournisseur
de composants, il a su fédérer un réseau d’acteurs (de Microsoft à Logitech) pour créer des
standards techniques (PCI, USB, AGP), synchroniser et mettre en cohérence les roadmaps de
l’écosystème informatique, et recréer une appétence client en promouvant la lisibilité d’un
« Intel inside ». Google joue clairement la même carte aujourd’hui. À l’inverse d’Apple qui a
construit une intégration verticale forte, il préfère fédérer des réseaux d’alliés (constructeurs de
téléphones, de téléviseurs, de voitures, développeurs) et se synchroniser avec eux pour
construire une offre globale et expérientielle.


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vendredi 10 août 2012

Nouvel Article sur le Management

Découvrez le nouvel article que je viens d'écrire sur l'importance d'actionner tous les leviers du management d'une PME pour atteindre efficacement et rapidement les objectifs souhaités.
Merci de me donner vos impressions et de me faire partager vos commentaires.
J'y répondrai avec plaisir.

http://www.machronique.com/les-leviers-d%E2%80%99action-pour-le-management-d%E2%80%99entreprise

jeudi 26 juillet 2012

Selon une étude réalisée par KPMG pour la CGPME en juin 2012, les dirigeants de PME qui réussissent  ne restent pas isolés et savent s’entourer pour prendre des décisions stratégiques.